Il y a 3 mois deux frères dominaient une armada de pagayeurs lors des championnats du monde de Quiberon. Sean, 30 ans, et Kenneth, 23 ans, sont respectivement champion du monde et vice-champion du monde Ocean racing 2019.
C’est toujours bon d’être en haut du podium. Parfois cela peut être encore plus fort s’il est partagé avec un ami, je n’imagine pas avec son frère. Comment c’était pour vous ?
Kenny
Venir aux championnats du monde est toujours particulier, mais d’être là avec mon frère c’est énorme. Tu peux seulement rêver du meilleur scenario possible, Or et argent, et c’est devenu réalité pour nous. Je suis conscient du travail que Sean a abattu pour ce championnat et je suis plus que content d’avoir pu partager ce podium avec lui.
Sean
C’était une Victoire à la saveur particulière pour moi, peut-être même plus que mon premier titre. En 2013 jetais jeune et j’avais tout à apprendre. J’ai maintenant appris il y a longtemps le travail mental et physique requis pour gagner, donc de le faire à nouveau était presque plus dur parce que ça fait mal du début à la fin… ahah..Cette fois-ci je savais que je pouvais le faire sans être chanceux, j’étais très nerveux à l’approche du jour de course parce que tout reposait sur être capable de le faire le jour j.
Est-ce que le surfski a été un choix évident ?
Kenny
Nous avons eu de la chance de grandir proche du club de kayak, on a donc commencé très tôt. Avec la forte culture sauvetage côtier dès qu’on tient dans le kayak c’était naturel de continuer vers le surfski.
Sean
J’ai commencé à 12 ans au club local, mais seulement de manière occasionnelle, j’étais mordu e rugby. J’ai eu de nombreuses blessures a travers mes années de joueur dans l’équipe de l’école, j’ai donc rapidement décidé que le kayak était fait pour moi. Je pagayait donc mais je n’ai réellement commencé le surfski qu’à 18 ans.
A quoi ressemblerait une semaine type d’entrainement ?
Kenny
8 entrainements sur l’eau ,3 courses à pied, 1 musculation
Sean
Presque identique à mon frère, je fais 9 entrainements sur l’eau et 2 courses à pied par semaine
Qu’est-ce qui vous maintient mordu ? Qu’est-ce qui vous plais dans ce sport ?
Kenny
Le downwind. C’est le besoin et le désir d’attraper chaque vague que je vois qui me fais continuer.
Sean
C’est l’opportunité que cela me donne de me tester mentalement et physiquement tous les jours ainsi que l’apprentissage permanent de l’entrainement des courses et des rencontres qui viennent rythmé ma motivation pour ma cartière et les principaux objectifs.
L’Ocean Racing est la seule discipline du kayak où ta propre ligne et stratégie varie vraiment des autres. Vous parlez souvent de momentum. Pouvez-vous expliquer quelles sont vos facteurs clés de succès ?
Kenny
Sur n’importe qu’elle course je m’assure que ma vitesse de croisière correspond à ce que je pense faisable en fonctions des conditions. C’est important de toujours avoir des repères et de savoir où est exactement l’arrivée. Dès que tu maitrises tout cela, tu peux te concentrer sur les « runs » et la ligne que tu penses la plus rapide et comment être le plus efficient pour franchir la ligne en tête.
Sean
Ca commence avec la préparation de la course. S’il y a quelque chose que tu peux contrôler, comme l’entrainement ou le matériel alors fais-le, le mieux que tu peux. Tout le reste sera surement incontrôlable comme les conditions, tomber malade, les concurrents… Le momentum c’est diffèrent, c’est la confiance que tu cherches à maintenir le plus longtemps possible à travers une succession de bons enchainements. En downwind par exemple, avoir un bon momentum c’est lorsque tout est clair et fluide, que chaque effort pour une vague est récompensé. C’est très dur à maintenir toute une course.
L’Afrique du Sud est l’une des meilleures nations en surfski et marathon. Comment expliquez-vous cela ?
Kenny
Avec autant de courses au calendrier tu peux courir tous les week-end en mer en rivière ou eau calme. Ce qui veut dire que tout le monde devient très actifs et l’esprit compétitif s’installe dès un jeune âge.
Sean
Le travail prime toujours sur l’inné, alors d’être en confrontation avec des adversaires d’envergure internationale sur plus de 10 courses nationales ou régionales chez nous avant d’attaquer la saison internationale. En plus de cela nous avons des idoles de notre sport issu des club locaux. Cela amène une culture de succès et d’épanouissement à travers le rayonnement des rôles modèles du club. Il n’y a pas de secret, le travail et la réussite associés à ces idoles entrainent la prochaine génération de graine de, et ainsi de suite.
Sean, tu es a nouveau champion du monde 6 ans après ton premier sacre. Parle nous du chemin parcouru pour reconquérir ce titre.
Sean
Tout est différent. Maintenant je vis à Londres, je suis plus vieux et je dois me défendre contre de jeunes loups. Mes motivations dans la pratique ont changé, je m’entraine différemment, avec beaucoup de personnes différentes. Tout est différent mais c’est la vie, j’essaie de faire le mieux possible dans chaque situation. Je suis chanceux d’avoir eu le parcours que j’ai eu, et de gagner 6 ans après me donne le sentiment que toutes mes décisions ont été justifié.
Kenny tu es champion du monde junior en 2013, vice-champion du monde puis champion du monde u23 en 2015 et 2017 et tu es maintenant vice-champion du monde senior. Toujours au top niveau tu as pourtant beaucoup changé physiquement, tu es plus athlétique qu’avant. En trail, cyclisme ou encore en ski alpinisme, la recherche du poids optimal est devenue une obsession. Quelle importance donnes tu à la nutrition ?
Kenny
Quand j’étais plus jeune, j’étais vraiment en surpoids et j’ai beaucoup lutté. Maintenant je fais plus attention, j’ai eu la chance d’être bien conseillé. Je n’ai pas de régime particulier à part la première séance de la journée toujours à jeun, mais je fais très attention aux besoins de mon corps pour être le plus performant possible. En plus de cela j’ai commencé à apprécier la course à pied, je cours 2 à 3 fois par semaine.
Le calendrier international s’étend de février à Lanzarote jusqu’au mythique Cape Point Challenge qui se tient mi-décembre. Comment faites-vous pour être performant toute l’année ?
Kenny
L’un des principaux atouts du surfski c’est que tu peux pagayer et courir dans tellement d’endroits magnifiques qui rendent l’entrainement plus facile. A la différence de la course en ligne ou le slalom, nous pouvons pagayer sur n’importe quel milieu (eau calme mer rivière) quand tu as besoin d’un petit extra en motivation . Lorsque je fais du downwind, c’est le meilleur moyen pour m’amuser tout en faisant une séance fractionnée d’intensité.
Sean
J’adore m’entrainer et je m’entraine toujours pour gagner donc je dirais qu’au contraire cela me stimule de courir toute l’année. C’est un rythme à prendre mais une fois qu’on est habitué, on sait quelles séances et quelles charges doivent être accumulées en amont de chaque sortie internationale.
De plus en plus de pagayeurs de tout horizon sont attirés par l’écume salée.
Course en ligne, descente, marathon et même slalom avec Austin Kieffer ancien remplaçant olympique américain en 2008 aujourd’hui installé dans le top 10 mondial en surfski. Comment expliquez-vous cela ?
Kenny
Le surfski est facile à pratiquer dès que vous maitriser les bases du pagayage. Ce qui veut dire que presque n’importe qui peut en faire n’ importe où. En surfski il faut être véloce et s’adapter à n’importe quelle condition pour performer tout le temps. La plupart des pagayeurs sud-africains en surfski ont eux aussi été en équipe nationale en sauvetage côtier ou en marathon.
Sean
Le surfski c’est ce qu’il y a de mieux ! Regarder simplement les sourires sur les photos et vidéos ainsi que les destinations. Les autres disciplines ne sont pas toujours aussi fun, et les destinations ou le lifestyle du surfski restent pour moi quelque chose d’unique dans notre sport.
A partir de maintenant les Championnats du monde se dérouleront chaque année. Bretagne cette année, Portugal en 2020, on dirait que l’Europe est le nouveau haut lieu pour les évènements internationaux. Mais on voit clairement sur les résultats que c’est toujours une affaire australienne et sud-africaine. Que reste-t-il à développer sur les organisations en Europe pour rivaliser avec l’Australie par exemple ?
Kenny
L’Europe est en train de devenir un hub pour le surfski avec de nombreuses courses incroyables au calendrier. La population de pagayeur est aussi bien plus importante ce qui veut dire que le surfski peut se développer plus facilement avec des distances plus petites a parcourir pour aller faire des courses. Une meilleure couverture media et l’association de disciplines connexes comme le sup ou la pirogue peut aider à ce que d’autres courses voient le jour et à la démocratisation de cette discipline.
Sean
L’Europe sera « the place to be » pour la planète surfski d’ici peu. Je le sais parce que je l’ai vu et comparé à d’autres lieux bien plus connu comme l’Afrique du Sud ou l’Australie. Et la domination de ces deux pays est de moins en moins nette avec des français des espagnols et un allemand particulièrement inquiétant pour la suite !
Le surfski sera au programme des Jeux Olympiques de la Jeunesse de 2022 à Dakar. Déjà au programme des Jeux Méditerranéen des Plages, l’Ocean racing n’intéresse pas que les athlètes. Bien entendu une course de 25km de downwind au large n’est pas envisageable pour un format olympique. Pensez-vous qu’un avenir olympique soit souhaitable pour le développement de la discipline ou au contraire que cela risquerait d’endommager l’ADN du sport ?
Kenny
Non j’ai peur qu’un avenir olympique soit synonyme d’une perte de l’ADN de la discipline. Les Jeux Olympiques restent des jeux, une compétition. Le surfski est si séduisant justement parce que sa pratique est une des forme les plus libres de compétition en kayak. L’une des aspects les plus attirants est que de nombreux facteurs entre en jeu pour performer. Nous avons des fenêtres météos pour choisir le jour de compétition, des modèles uniques qui se développent avec peu de normes standard à respecter. Pour moi il faut laisser murir la discipline, la laisser se développer seule, avant qu’elle soit prête pour l’olympisme.
Sean
Toutes les opportunités sont bonnes, on ne pourra jamais savoir si o n’essaie pas. Le surfski aura besoin de plus de régulations, de normes et d’une stratégie pour grandir et passer de l’adolescence à l’âge adulte. J’espère simplement que cela ne deviendra pas une vieille dame trop vite…
Sean tu viens de gagner 12 000 euros en deux courses, Kenny to a gagné plusieurs fois lors de compétitions internationales. Quand la plupart des slalomeurs et sprinteurs luttent et vivent avec un statut de la fédération. Finalement le surfski est la discipline la plus primés de notre sport. Europe, Amérique du Nord, Afrique du Sud, Hong Kong et Australie, les courses ont lieu de part et d’autres du globe.
Comment financez-vous vote saison ? Est-ce que vous travaillez en parallèle ?
Kenny
Oui, le surfski peut être considéré comme la discipline la plus primée. En revanche aucun pagayeur sud-africain n’est supporté par la fédération. Donc oui on gagne de l’argent à droite à gauche sur les courses mais c’est quand même très difficile de pagayer pour vivre. Mon frère et moi avons la chance d’être supporté par nos sponsors THINK Kayaks, Euro Steel, Orka Paddles, Precision Hydration sans qui l’aventure ne serait pas possible.
Au Cap j’ai un travail à temps plein en tant que directeur d’entrepôt et de fabrication dans une entreprise de rayonnage et de rayonnage industriel. Je cale mes entrainements autour de ça et j’ai vraiment de la chance que mon travail ma maison et le club sont en 8kms.
Sean
La partie financière du sport est non négligeable. Je décide donc au début de la saison qu’elles courses je ferais ou non, comme le ferait tout sportif semi-professionnel ou professionnel.
Je suis extrêmement chanceux d’être soutenu par mes super sponsors qui m’aident dans mes rêves! En parallèle j’ai créé Yourpaddlelife.com, une entreprise de coaching sportif qui propose un suivis personnalisé adapté à votre niveau afin d’atteindre vos objectifs sportifs que vous soyez pagayeur débutant, confirmé ou expert.
Avez-vous un statut grâce à la fédération ?
Kenny
On fais partie de l’équipe nationale pour les championnats du monde mais c’est bien nos sponsors qui rende l’aventure possible.
Sean
Qui ça ?
Comment organisez-vous votre vie avec tout ça ?
Kenny
Kayak à 5h45, suivi par le travail à 7h15 je finis à 16h puis je retourne pagayer ou courir. Si jamais le vent se lève je pars un peu plus tôt pour un Millers run ! Parfois je rajoute une musculation le midi.
Sean
Aucune de mes journées n’est réellement organisée. Ma vie est chaotique mais j’aime ça, et j’essaie de faire le mieux que je peux avec. J’essaie de m’astreindre à une routine hebdomadaire que je suis en mesure de tenir toute l’année et de concilier avec mon activité professionnelle.
Sean 2 titres de champions du monde, la Molokai, Cape Point Challenge, tu as presque tout gagné. Kenny tu as eu une super saison, il semblerait que le seul obstacle assez important pour toi soit ton frère. Quelles sont vos attentes pour 2020 ?
Sean
Je n’ai pas gagné la World serie The Doctor. C’est une des courses les plus relevées de l’année et c’est la seule que je n’ai jamais gagné…
Kenny
Je suppose que je peux uniquement souhaiter un nouveau doublé Rice 1 et 2 mais dans l’ordre inverse !
FIN