La sélection olympique annoncée des athlètes du sprint secoue le monde du canoë-kayak, et même du sport français. On vous raconte.
Décidément les sélections olympiques prennent toujours des accents dramatiques pour les sprinteurs français. Après Tokyo où la sélection du Kayak Biplace et la boulette sur la chasse aux quotas supplémentaires au TQO avaient fait couler beaucoup d’encre et d’espoir d’athlètes, l’annonce des sélectionnés olympiques qui vient d’être faite par le CNOSF validant la proposition de la sélection FFCK a créé un véritable séisme.
Tout le monde avait en effet intégré l’idée que les courses de Gravelines qui se sont déroulées ce jour constituaient la dernière étape du processus sélectif, les fameux Temps d’Identification Nationaux, puisque il était également écrit dans les règles de sélections que le comité se réunirait après Gravelines. C’est du moins ce qui avait été compris par l’ensemble des athlètes, des clubs et même des médias spécialisés ou généraux. Pourtant, c’est bien juste après la Coupe du Monde du week-end dernier que la FFCK a proposé sa sélection.
Contrairement à ce que nous avions initialement écrit, ce ne sont pas les belles places de finalistes obtenues en K1 1000 et C1 200 de Maxime Beaumont et Eugénie Dorange sur la Coupe du Monde qui ont convaincu le comité de sélection de leur attribuer les places nominatives correspondant aux quotas réservés au pays hôte (à la surprise des athlètes eux même). Car la décision était visiblement prise à l’issue des courses du TQO à la veille de la Coupe du Monde..ce qui permet aux sélectionneurs d’argumenter en disant que rien n’était écrit à propos de Gravelines.
Le problème, c’est que premièrement et comme cité juste au dessus, plusieurs acteurs potentiellement concernés par cette sélection monoplace ne participaient pas à Szeged, affûtant leur pagaie pour Gravelines, certains de livrer une belle bataille pour obtenir un ticket pour Paris 2024. D’autre part, la Coupe du Monde n’a jamais été citée comme TIN possible. D’ailleurs l’officialisation sur le site internet fédéral de l’équipe olympique n’est toujours pas en place non plus. On voit bien que toute cette histoire est avant tout une question de communication et d’interprétation de règles qui ne sont pas claires à comprendre.
Renversé(e)s dessalé(e)s avant d’embarquer
Dur pour un athlète, impensable pour un(e) céiste ou kayakiste. C’est l’ADN même de l’esprit sportif qui est mis en branle. Nombreux sont ceux qui ont perdu toute chance de ticket olympique, avant la dernière étape de sélection, et finalement la plus importante pour les canoë dame et kayak homme où batailles devaient être livrées.
A commencer par beaucoup d’ athlètes comme Axelle Renard, Cyrille Carré, Guillaume Burger …ou Etienne Hubert, dont on peut comprendre l’amertume, même si le sedanais réagit comme toujours avec humilité et sportivité : « Au pire, si cela se faisait dans les règles je peux comprendre et je peux me passer des Jeux. Mais là ça ne passe pas » .
La parole à Etienne Hubert
CKM – Etienne, comment te sens tu après tous ces remous en course en ligne ?
Je dirais qu’il y a plusieurs états. Tout d’abord j’ai envie de dire que je suis content d’être à Gravelines car je suis là avec les jeunes du club. Je retrouve pleins de copains au bord du bassin et ça me rappelle que le kayak c’est aussi des bons moments.
D’autre part, j’essaie de pas penser aux aspects négatifs, mais ce n’est pas facile. On a tendance à focaliser sur le rôle du DTN, mais pour moi le problème est plus large. Il y a plusieurs niveaux : Le DTN, le head coach et les coachs. Les coach sont au courant du projet des athlètes ils ont une responsabilité également. Ils savaient très bien ce qui se préparaient sans que nous soyons au courant, et si tu ne joues pas le jeu correctement, tu pars.
Ca me fait penser à ce que disait souvent mon grand père. Lorsque tous les gens autour de toi sont des cons ou ont tord, il faut te poser des questions. C’est globalement ce que nous dit le corps décisionnaire vis à vis de nous, les athlètes. Ça reflète bien la mentale du président et du DTN qui prennent sciemment les gens pour des cons. C’est important qu’il se passe quelque chose. A la limite tant pis pour moi, j’ai fait mon temps. Mais je suis motivé pour mener des actions qui soulignent le je m’en foutisme dont ils ont fait preuves, à de nombreuses reprises. Peut être que Rémi (Directeur de la Performance) et Ludovic (DTN) ont pensé différemment. Mais ça reste une énorme faute professionnelle.
Je souhaite beaucoup de courage à mes copains qui vont aux Jeux. Je ne veux surtout pas qu’ils se retrouvent dans un climat d inconfiance, comme ça a déjà été le cas de nombreuses fois.
Etienne Hubert
Le médaillé d’argent de Rio Maxime Beaumont, lui aussi plein d’humilité confiait au quotidien l’équipe : « Je suis bien sûr très heureux de participer à mes 4eme Jeux, mais j’avoue que la fête est un peu gachée. Je sais que je suis performant, mais je ne sais pas si je suis le meilleur français ».
Une vidéo caricature circule sur les réseaux sociaux, mettant en scène la situation ubuesque et traduit bien l’absurdité de cette dernière et l’incompréhension de beaucoup de personnes du milieu ou non.
Souhaitons bien sûr le meilleur à tous les sélectionnés olympiques, dont l’actualité fait oublier hélas de les célébrer. Un contexte triste et difficile pour le canoë-kayak français, dont on peut déplorer la rareté dans les media…mais qui ne défraye pas ici (une nouvelle fois) la chronique de la manière la plus valorisante. Espérons que d’ici quelques semaines, du côté de Vaires sur Marne, ce soit de belles courses, de médailles, de titres olympiques, mais avant tout de belles histoires qui se voient racontées à propos des sports de pagaie.