Le Kasai canoë slalom centre a donc accueilli du 25 au 30 juillet les épreuves olympiques de canoë-kayak slalom. Pour cette 9eédition du slalom olympique, 8edepuis sa réintroduction en 1992, le spectacle a été au rendez-vous…mais hélas pas les médailles pour l’équipe de France.
Par Maxime Bottex
Tout avait pourtant bien commencé. Les C1H seraient donc les premiers à en découdre, avec une réelle chance de médaille pour l’équipe de France.
En effet, Martin Thomas, 31 ans, avait gagné sa place aux jeux face à une concurrence féroce. Lorsqu’on arrive à écarter Cédric Joly et Denis Gargaud, champions du monde et olympique en titre, c’est qu’on est capable d’aller chercher une médaille. Avec déjà à son palmarès une médaille d’argent aux championnats d’Europe de 2019, le charentais est arrivé dans les phases finales de ces JO gonflé à bloc. Et sa première place en demi-finale (100,65s) en disait long sur son envie.
Martin Thomas s’est signalé, Benjamin Savsek a survolé !
Au moment de s’élancer pour sa finale, en tant que dernier concurrent, cela paraissait compliqué pour l’or pour Martin Thomas avec le slovène Benjamin Savsek qui avait placé un chrono stratosphérique en 98,25. Mais derrière, il y avait de la place… beaucoup de place, puisque la médaille se jouait à plus de 5s, avec le 103,70 de l’allemand Sideris Tasiadis. Malheureusement, Martin Thomas n’a pas réussi à reproduire sa navigation de demi-finale, et s’est retrouvé dans un faux rythme, souvent à la lutte. Et malgré une manche sans pénalité, il termine finalement à la 5e place, à plus de 6s de la gagne.
Benjamin Savsek,34 ans apporte donc à la Slovénie son premier titre olympique en canoë slalom, sa première médaille d’or à Tokyo et la sixième médaille olympique de son histoire. Il succède donc à Denis Gargaud, et Tony Estanguet. Et depuis 1992 et le titre de Lukas Pollert, c’est la première fois que l’or ne revient ni à la France, ni à la Slovaquie ! Et c’est d’ailleurs un autre Lukas qui prend la seconde place. Le tchèque Rohan, 26 ans, confirme son ascension au plus haut niveau. Lui qui est devenu vice-champion d’Europe à Prague l’an dernier, est désormais vice-champion olympique. 9 ans après sa médaille d’argent à Londres, l’allemand Sideris Tasiadis remonte à 31 ans sur un podium olympique, et complète un très beau palmarès.
Ricarda Funk remporte la bataille en K1D ! Lafont n’y était pas…
En K1D, avant même la grande finale, la demi-finalea déjà offert quelques surprises. L’orthézienne Marie-Zélia Lafont, déjà en difficulté lors des qualifications est à nouveau partieà la faute en demi, et termine à près de 10s de Jessica Fox, et à 4s de la 10e place qualificative pour la grande finale. Une nouvelle déception pour la française, qui n’aura pas réussi à naviguer à son meilleur niveau. Cette demi-finaleaura aussi eu raison de Eva Tercelj, tête de série n°3 de ces JO, championne dumonde en titre, pénaliséed’un 50. On avait aussi un regard attentif sur la jeune pépite Evy Leibfarth, quitermine finalement 12e de ses premiers JO à 17 ans, et donc n’accède pas à la finale.
Déception aussi pour Kudejova,championne du monde 2015, la tchèque termine 15e. Le combat très attendu entre Jessica Fox et Ricarda Funk était bien en route. Mais en finale, c’est bien l’allemande qui a trouvé le meilleur compromis entre vitesse et propreté. Avec son 105,50 à 0 de pénalité, elle devient donc à 29 ans championne olympique, concrétisant ses excellentsrésultats des dernières années. Elle devance l’espagnole et championne olympique en titre Maialen Chourraut. 38 ans, toujours présente au plus haut niveau 12 ans après sa première médaille mondiale (2009, argent à Séo D’Urgell).
Et c’est donc Jessica Fox qui accroche tout de même la 3e place du podium, malgré 4s de pénalité! Elle était incontestablement la plus rapide, mais l’australienne a multiplié les erreurs dans cette finale: 2 pénalités, un flotting manqué, une approche de stop en quasi soleil… Mais malgré tout ça un temps incroyable, et une 3e médaille olympique en 3 olympiadespour celle qui est née à Marseille il y a 27 ans, et qui semble partiepour marquer l’histoire de son sport…
Jessica Fox remporte une finale exceptionnelle !
Son visage à l’arrivée du kayak en disant long sur la frustration de l’australienne de ne pas avoir réussi à naviguer à son niveau. Et sa joie à l’arrivée du canoë en disait tout aussi long sur la performance exceptionnelle qu’elle a réaliséedans cette première finale olympique de l’histoire du canoë-dame. Et pourtant, la concurrence était au rendez-vous, et les céistes ont eu l’occasion de montrer à tous les sceptiques que cette catégorie était vraiment au niveau olympique. En effet, si la demi-finale s’était jouéeen 110s, l’anglaise Mallory Franklin a mis les choses en place en finale avec un 106,68+2 qui aurait pu suffireà un titre olympique mais… Mais Jessica Fox avait rendez-vous avec l’histoire. Avec une manche époustouflante, l’australienne décroche son premier titre olympique, et sa 4emédaille! Championne du monde en 2013, 2014, 2015, 2018, elle devance donc Mallory Franklin, la championne du monde 2017, et Andrea Herzog, championne du monde 2019. C’est donc 100% des titres mondiaux des 10 dernières années qui sont représentés sur ce podium olympique.
Derrière, la française de 23 ans Marjorie Delassus prend la quatrième place. Après des qualifications difficiles, la paloise aura réussi à réaliser deux manches propres d’un super niveau dans ces phases finales olympiques. 5eme en demi-finale à 0,4 secondes en finale à nouveau à 0 de pénalité, elle aura très bien géré la pression de sa première grande finale internationale. Malheureusement, les trois athlètes du podium étaient trop rapides pour que Marjorie puisse jouer la médaille.
Jiri Prskavec seul au monde
Dans la catégorie la plus rapide et souvent la plus dense, on attendait un combat serré chez les K1H… Combat qui n’aura pas eu lieu finalement, tant le tchèque a été le seul à naviguer à son meilleur niveau dans cette finale. Mais avant la finale, la demi-finalea déjà laissé un goût amer pour le slovène Peter Kauzer, véritable cador de la discipline. En terminant 12e à plus de 4s de la tête, il est le premier des trois athlètes top 10 sur le papier qui n’accèdent pas à la finale. En effet, le Suisse Martin Dougoud (13e) s’arrête aussi là. Même combat pour l’un des hommes en forme de cette saison qu’on attendait pour la bataille finale, l’italien Giovanni De Gennaro seulement 14e, faute à 4s de pénalité et une sortie de piste dans l’inversion 6-7. En revanche, si on pouvait avoir des doutes sur le niveau de Boris Neveu suite à ses courses de sélection difficiles, il a lui passé brillamment le cut des demi-finales, en accrochant la deuxième place, laissant entrevoir à nouveau la possibilité de monter sur la boîte. Malheureusement,en finale, alors que le podium semblait accessible après que la majorité des pagayeurs soient partis à la faute, il a à son tour multiplié les erreurs. Avec 4s de pénalité et plusieurs fautes de navigation, il termine finalement 7e. (voir itw)
Et alors qu’on se dirigeait vers une finale moyenne, avec la seule bonne course du jeune Slovaque Jabug Grigar, le petit génie tchèque s’est présenté au départ… Nourri par la pression, Jiri Prskavec s’est donc lancé dans cette finale dans son style habituel… FULL ATTAQUE ! Dernier à partir après sa victoire en demi-finale, il réalise une manche sans faute, avec des passages qu’il sera le seul à sortir, à l’image desdécalés 6-7 et 13-14, effacés en avant sans aucun souci quand quasiment tous les autres ont dû passer par l’inversion. Il survole donc cette finale avec plus de 3s d’avance, et décroche donc sa deuxième médaille olympique, après le bronze à Rio (malgré 2s de pénalité). A 28 ans, il continue d’ajouter sa trace dans l’histoire du kayak mondial. Champion du monde 2015 et 2017, médaillé olympique 2016 et donc désormais champion olympique !
Derrière, la pépite slovaque Jakub Grigar accède au podium olympique. A 24 ans, il confirme l’immense talent qu’on a pu découvrir alors qu’il était très jeune. 5eà Rio, il cherchait depuis son premier grand résultat international. C’est chose faite, il est vice-champion olympique. A 32 ans, l’allemand Hannes Aigner décroche sa seconde médaille de bronze olympique, après celle gagnée à Londres en 2012. Même s’il ne réalise pas sa meilleure manche, il aura été combatif dans cette finale.
La France sans médaille…
Une triste première. Si tout n’a pas été à jeter sur ces JO pour la France, le bilan en terme de résultat fait mal. 0 médaille, une première dans l’histoire olympique:
- 1972 : 1 médaille (J-C. Olry/J-L. Olry)
- 1992 : 3 médailles (J.Avril, F. Adisson/W. Forgues, S. Curinier)
- 1996 : 3 médailles (P.Estanguet, F. Adisson/ W. Forgues,M.Jerusalmy)
- 2000 : 3 médailles (T.Estanguet, B.Guibal, A-L.Bardet)
- 2004 : 3 médailles (B.Peschier, F.Lefèvre, T.Estanguet)
- 2008 : 1 médaille (F.Lefevre)
- 2012: 2 médailles (T.Estanguet, E.Fer)
- 2016 : 2 médailles (G. Klauss/M. Pêche, D.Gargaud)
- 2021 : 0médailleLa République Tchèque devant, grand chelem pour l’Allemagne.
On attendait bien sûr la République Tchèque, grande nation du Canoë-Kayak slalom. Avec 1 médaille en or et 1 en argent sur 4 possibles, ils remportent le classement des nations. Derrière, l’Allemagne réussit un incroyable 100%. Tous les athlètes allemands engagés sont revenus avec une médaille, dont un titre en K1D. C’est LA PERF collective de ces jeux olympiques. Quel redressement incroyable pour une nation qui était revenue bredouille des JO de Rio il y a 5 ans. De quoi peut-être motiver les Bleus qui échouent eux cette année.
La France, repart donc sans médaille de cette olympiade, et devra s’inspirer du retour Allemand pour viser mieux à Paris dans 3 ans. Au total, 7 nations ont remporté au moins 1 médaille sur 12 distribuées.
Martin Thomas – «Je sentais que j’étais dans un bon jour!»
Comment as-tu vécu la journée de finale ?
Je sentais que j’étais dans un bon jour. J’étais dans mon élément, j’avais hyper envie d’aller sur l’eau, d’aller courir ces deux manches, et surtout la finale qui était l’objectif de la journée, tout en faisant déjà une grosse manche en demi. Ça à plutôt bien commencé, je gagne la demi-finale. Entre ma demi et ma finale, je suis resté complètement dans ma bulle, dans ce que j’avais mis en place même avant la demi-finale. J’avais envie de faire au moins aussi bien, et même d’améliorer car la manche n’était pas parfaite. Je me suis centré sur moi-même. J’aurai imaginé avoir beaucoup de pression de partir dernier, mais pas du tout. Partir premier ou dernier de la finale, je n’ai pas ressenti de pression par rapport à ça. J’étais focalisé sur ce que j’avais à faire. En une fraction de seconde, j’ai fait un mauvais choix. Je me suis bien lancé dans la manche, je sentais que j’allais vite, ça se passait très bien. Le souci est venu de la figure du milieu dans le rouleau. J’ai eu une hésitation, et j’ai instinctivement voulu assurer, mais ce n’était pas le bon choix. Je savais que j’étais dans les clous, dans le bon tempo. J’arrivais à la figure clée, et sans réfléchir, j’ai voulu assurer, et je me suis fait embarquer. Je suis arrivé bas, j’ai voulu recoller au temps, mais j’ai perdu le tempo. Je me suis battu jusqu’à la fin, mais j’ai continué à perdre du temps. Pour moi c’est une erreur technique.
Une erreur liée au manque d’expérience de ces grands rendez-vous ?
Je ne suis pas parti pour faire 5e, je suis parti pour tout donner, et j’ai voulu aller au bout. C’est une fraction de seconde pendant la course, je ne pense pas que l’expérience m’aurait fait changer ce point technique. Ce que je retiens pour la suite, c’est qu’il ne faut rien lâcher, même sur des millisecondes il ne faut rien lâcher. C’est 1mn30, mais à aucun moment on ne peut se permettre d’être sur le frein dans une finale comme ça.
Quel bilan tires-tu de ton olympiade ?
J’ai un parcours un peu atypique. Je suis quand même super content d’en être arrivé là. Je pense que j’ai un parcours un peu atypique, un peu à retardement. J’arrive à maturité un peu plus tard que beaucoup. Du coup je n’ai pas le même chemin, pas le même palmarès qu’un Denis ou un Cédric, je n’ai jamais été champion du monde. J’ai réussi à me sélectionner et derrière je suis content d’avoir atteint la finale, et même jouer la médaille olympique. Il y a deux ans, je n’aurai jamais parié là-dessus. Mais les choix que j’ai fait il y a deux ans, d’y croire, y croire jusqu’au bout ça a tout changé. Je suis super fier d’en arriver là. 5e et pouvoir jouer une médaille, jamais je n’y aurai pensé. Même si on peut dire que oui, la médaille d’or ne reste pas en France… Mais c’est mon parcours, je suis super content d’en arriver là, etje me donne jusqu’à Paris pour essayer d’améliorer.
Paris 2024 comme prochain objectif ?
Je n’aime pas trop me donner de gros objectifs comme ça. Je vais d’abord continuer à me faire plaisir, et tout donner au quotidien. J’ai envie d’aller chercher des finales où je peux jouer des médailles. Les Jeux m’ont donné beaucoup de confiance sur ma capacité à jouer avec les meilleurs. Je n’ai pas eu beaucoup cette expérience sur des compétitions de très haut niveau (mondiaux/JO). La ça m’a donné beaucoup d’envie pour la suite.
La suite commence par la fin de saison avec les mondiaux de Bratislava ?
Je ne vais pas avoir la préparation optimale pour les mondiaux, car j’ai un autre projet qui va me prendre un peu de temps avant*, mais qui est important pour mon équilibre aussi. Je vais quand même me donner à fond, et derrière il va falloir y aller étape par étape sur les prochaines courses de sélection.
*Martin Thomas mène également un projet nommé Riding To Explore que vous pouvez suivre sur les réseaux sociaux ousur www.ridingtoexplore.com. Il part 3 semaines au Pérou pour tenter d’aller rider des lacs à plus de 5000m d’altitude : «Riding to Explore se distingue par son esprit pionnier et un double objectif : repousser les frontières du kitesurf sur les plus hauts lacs du monde, et mettre ce défi sportif au service de la sensibilisation environnementale.
Marjorie Delassus – «J’ai concrétisé le jour J. Je n’en tire que du positif !»
Comment as-tu vécu l’expérience olympique ?
Vraiment je l’ai vécu à fond, j’ai profité de chaque seconde, c’était incroyable, j’ai adoré l’expérience JO avec tout ce qu’il y a autour. Malgré la situation sanitaire et qu’il n’y ait pas de spectateurs, c’était vraiment dingue, quand j’étais au départ de la finale, c’est quelque chose qu’on ne peut pas décrire.«Je suis vraiment très contente d’avoir joué et d’y avoir cru jusqu’au bout.
Est-ce que tu as cru à la médaille ?
J’y ai un peu cru jusqu’au bout, quand j’étais dans le «kiss and cry» (ndlr: zone d’attente pour les athlètes sur le podium provisoire) et que j’étais encore 3e… Bon, j’ai vu qu’il ne restait que Jess(Fox)au départ, j’ai su que ça allait sûrement vite changer. Mais 0 regrets, pas déçue,même si un peu frustrée d’être au pied du podium, je suis pas du tout déçue, et même plutôt très heureuse et très fière d’avoir ramé comme ça en finale. La pression et tout l’événement, ce n’est pas facile à gérer, très contente d’avoir réussi à m’exprimer et à naviguer à ce niveau-là.
Comment as-tu rectifié le tir entre des qualifs plutôt moyennes et des phases finales de bon niveau ?
C’est vrai que je pensais m’être bien préparée, je me sentais dans un bon état d’esprit, quej’avais tout mis en place pour être présentedès lesqualifs, mais j’avais un gros blocage sur le parcours, sur la figure 12-13… Malgré les analyses avec le staff, je ne visualisais pas comment faire la figure. Ça m’a vachement mis le doute, et gênée jusqu’au bout. Je fais une première manche pas top, +6, deuxième manche avec un 50. Je me suis pris une claque, il fallait se ressaisir. Du coup, j’ai abordé les demi-finaleset finales dans un nouvel état d’esprit, en me disant que je n’avaisrien à perdre, et que l’objectifc’étaitde ne pas avoir de regret, et de naviguer à mon niveau.Je suisvraiment contente d’y être parvenue, j’en tire que du positif pour la suite.
Est-ce que tu penses avoir navigué à ton meilleur niveau ?
Je n’avais pas le niveau pour faire le chrono de Jess mais je pense que la 3e place était accessible, ma manche est perfectible. En regardant la vidéo, il y a des petits endroits où je peux gagner du temps. Mais naviguer comme ça en finale des Jeux, c’est vraiment atteindre une très bonne performance, j’ai concrétisé le jour J. Tout au long de la saison, j’ai toujours fait des grosses erreurs qui m’ont coûté cher, et là réussir à faire deux manches solides à 0, je suis très contente. Je ne sais pas si c’était mon meilleur niveau, mais c’était un très bon niveau pour moi, et je suis contente d’être allée chercher cette 4e place pour mes premiers jeux.
Tu aurais un mot pour tous les supporters ?
J’ai reçu énormément de messages de soutiens, d’encouragements, de tous les français, kayakistes, mais aussi sportifs ou juste amateurs de sport, ça booste et ça donne envie d’aller faire des belles choses, donc un grand merci à la tribu et à tous ceux qui m’ont encouragée !! »
Boris Neveu – « J’étais prêt, mais ça n’a pas fait, c’est une immense déception »
Comment as-tu vécu l’expérienceolympique, par quelles émotions es-tupassé ?Globalement tout s’est très bien passé à part le résultat final, qui est quand même une grosse déception. C’est sûr que c’est une belle expérience, ça faisait longtemps que je courais après les JO, mais je courais surtout depuis longtemps après une médaille olympique. Faire les jeux en soi, ça ne m’intéressait pas vraiment. Ce que je voulais c’était ramener une médaille, c’est ce que j’avais toujours dit. Après, c’est une super expérience, c’est un autre niveau d’événement. C’est génial, mais ça ne s’est pas terminé comme je voulais, c’est une grosse déception.
Qu’est-ce qui t’a manqué pour accrocher le podium qui semblait à ta portée ?
Je ne sais pas, je n’ai pas vraiment revu les images. Ce qui est sûr, c’est que j’étais prêt, j’étais prêt pour aller la chercher.Je suis monté en puissance au fur et à mesure des courses, c’est ce qui était prévu. 5e en qualif, 2een demi avec un bon chrono mais plein de choses à améliorer. J’ai peut-être voulu trop bien faire…En finale j’étais hyper bien, je suis bien parti, mais j’ai peut-être voulu trop bien faire. Quand j’ai commencé à faire une erreur ou deux-ce qui est normalen finale, il n’y a pas de manche parfaite, il ne fallait pas se précipiter, il fallait passer à autre chose, voir de l’avant. Moi, je suis resté bloqué sur les erreurs, et je n’ai pas retrouvé le fil de ma navigation, je me suis battu contre les mouvements sur la fin de manche. J’ai essayé de revenir, mais quand j’ai refait une erreur, dans ma tête c’était fini, je me suis dit qu’on n’a jamais vu une finale de K1H qui fait podium avec un touche et une sortie de piste, mais en fait c’était jouable. Mon temps de demi-finale était en 94, le podium se joue en 97. Je n’avais pas les infos de chrono avant mon départ, l’idée c’était de rester concentré sur moi et ce que j’avais à faire.
Est-ce que ton podium à Leipzig avant les jeux t’avait rassuré après un début de saison difficile ?
Autant je n’avais pas coché les courses de sélections à Vaires et les championnats d’Europe dans mon agenda, autant j’avais coché en rouge les coupes du monde de Prague et Leipzig. Je pense que c’était important de ramener une médaille avant d’aller aux JO. Le podium à Leipzig a été un bon soulagement. A Prague, je n’ai pas été bon, mais à Leipzig j’ai fait des bonnes manches, ça m’a rassuré et lancé dans la dernière ligne droite jusqu’à Tokyo. Je l’avais coché en rouge, et j’ai bien fait. Quand tu prépares les JO, même si tu prépares que les JO, c’est délicat si tu n’as pas fait de résultats avant. Je n’avais pas fait de bonnes courses de sélection olympique, j’avais envie de me rassurer, même si je savais que j’étais rapide, il fallait le faire en course, et ça faisait longtemps que je ne l’avais pas fait en course!
Quel bilan tires-tude cette olympiade ?
Là c’est le résultat qui prend le dessus, je sais quej’ai vécu quelque chose de fort, on avait une super équipe, un très bon groupe, on s’est régaléspendant un mois. Mais làtout de suite, le résultat…«J’ai l’impression d’avoir raté le coche…»Surtoutcomment ça s’est joué. Comment c’est possible de passer à côté d’une opportunité pareille! Ça paraît tellement simple de monter sur le podium… Ça ne l’est pas réellement, mais je me dis que j’ai raté le coche.Il y a de la frustration car je n’ai pas navigué à mon niveau en finale. Y’a des fois tu finis 4e, t’as tout donné, mais les autres ont été un peu meilleurs, tu ne peux pas te reprocher grand-chose. Là ce n’est pas ce sentiment. J’étais venu pour faire une médaille, pas pour regarder les jeux. Quand on me disait: «Oh ça va être des jeux particuliers, ça ne va pas être sympa.» Moi j’y allais pour la médaille, je m’en fous un peu de savoir ce qu’il y a autour. Mais ça ne l’a pas fait, du coup, là c’est la déception qui domine. Ça va passer, je sais que j’ai vécu une super expérience. Mais à 35 ans, quand on va aux JO, ce n’est pas pour prendre de l’expérience, c’est pour faire une médaille, c’est raté.
Benoit Peschier est champion olympique comme athlète et en tant que coach, as-tu senti cette aura olympique ?
Oui carrément. On a fait une super préparation finale, j’ai senti qu’effectivement les JO c’était son truc, qu’il savait comment gérer ça pour lui et pour moi. Il a su m’accompagner jusqu’aubout pour faire en sorte qu’on trouve le bon équilibre entre profiter des jeux, et rester focalisésur la perf. Il a été très efficace. J’ai senti un gros point d’appui super stable sur cette préparation terminale. On sent qu’il sait comment appréhenderça pour être bon. On s’est bien trouvés et on a bien travaillé.
Quel regard tu portes sur les performances françaises, et le mauvais bilan de résultats ?
Ces JO sont à l’image de l’olympiade. On était derrière toute l’olympiade, ce n’estmalheureusementpas une très grosse surprise. J’ai le souvenir de 2008, où avec une seule médaille d’argent on parlait d’échec, donc là c’est très dur. Pour moi, les médailles sont très importantes… J’ai été bercé avec Adisson/Forgues, Estanguet, Peschier, Gargaud, Fer…
Comment vois-tu la suite ?
La suite c’est un peu flou pour l’instant. Je fais une petite pause de 2 semaines, et après il y a une belle fin de saison à terminer, avec une finale de coupe du monde à la maison à Pau, et des mondiaux à Bratislava. Ensuite je ferai le point, et je vais peser le pour et le contre pour la suite. Mais pour l’instant c’est trop tôt. Je ne ferme pas la porte à Paris 2024. Je trouve que je suis encore dans le coup, c’est «que» dans 3 ans, c’est à Paris, il y a le slalom Extrême qui me motive, ou je suis performant(deux fois médaillé mondial), et qui peut casser la routine dans la préparation. Je ne m’interdis pas de continuer jusqu’à Paris. Çafait partie des différentes possibilités. Mais je laisse la saison se terminer, je laisse toutes les portes ouvertes, et je ferai le point après Bratislava.
Jessica Fox – «Avoir cet état de flow en finale olympique, c’est tout ce dont je rêvais!»
Tu accroches une 3e médaille olympique en K1, mais la manche n’était sans doute pas au niveau que tu attendais. Quel regard portes-tu sur ta finale en K1 ?
C’était dur de digérer cette finale de kayak… surtout ce dernier stop que j’ai rejoué mille fois dans ma tête après !La vitesse et les sensations étaient là, mais trop d’erreurs en finale. Je suis quand même contente d’être sur le podium et de décrocher une belle 3ème médaille. J’ai aussi beaucoup appréciédepartager le podium avec Ricarda et Maialen.
Tu as dû te poser beaucoup de questions entre le K1 et le C1, comment as-tu géré l’entre deux courses, par quelles émotions es-tu passée ?
C’était les 48h les plus dures de ma carrière mentalement ! Gérer de la déception, et frustration, en même temps me dire que c’est une médaille olympique et c’est génial, et essayer d’oublier ça et me focaliser sur le C1. Je savais que ça allait être dur de gérer les émotions de la première course (victoire ou défaite) et je suis bien passée par tous les états, ça m’a pompé de l’énergie. En 2017 aux championnats du monde à Pau, j’étais passée par ces émotions aussi (après avoir raté ma finale de C1, et gagné le lendemain en K1). J’ai essayé de m’inspirer de cette expérience. Je me suis surtout dit que j’avais la chance d’avoir une autre opportunité, et que j’allais savourer ce moment historique pour les C1 dames.
En C1 tu as produit un niveau de navigation incroyable, est-ce que c’est pour toi la manche parfaite ? Penses-tu avoir trouvé « l’état de flow » ?
Je pense que je me suis trouvée dans un état de Flow et le faire en finale olympique c’est tout ce dont je rêvais ! Ce n’était pas la manche parfaite, quand je la regarde il y a des petites erreurs mais il fallait quand même sortir cette manche sous pression, et j’étais contente !Tu as un lien fort avec la France, est-ce que tu ressens un soutien fort du public français ? Oui je ressens du soutien de la France, surtout à Marseille où j’ai toute ma famille du côté de ma mère (et ils sont nombreux !) et le club MMCK. J’ai déjà entendu les commentateurs dire « la plus française des australiennes ». Ça fait plaisir d’avoir ce soutien !
Tu as quasiment tout gagné, quel objectif te tient encore à cœur pour la suite ? Le doublé à Paris ? Est-ce qu’on va te voir plus souvent en France jusqu’à 2024 ? Peut-on t’imaginer courir le circuit N1 pour ton club de Marseille ?
Oui j’ai le regard tourné vers Paris et je pense que je vais sûrement passer un peu plus de temps en France. Il reste d’abord la deuxième partie de la saison 2021 à préparer. Et ensuite je me fixerai de nouveaux objectifs, et de nouveaux challenges sur la route vers Paris.
Tu avais déjà une notoriété importante en Australie ou en France, mais je crois que tu as triplé ton nombre de followers sur Instagram pendant ces jeux ! Ressens-tu la différence avec les précédents JO ?
Oui c’est un truc de dingue !! Je ne sais pas si ça vient de ma perf aux jeux ou de cette histoire virale de réparation kayak avec un préservatif* ! Mais surtout en Australie, l’impact a été incroyable et j’ai reçu tellement de messages, vidéos, photos de gens qui ont suivi mes courses. Je pense qu’en Australie il y des nouveaux fans de slalom !
*De nombreux médias ont relayé une vidéo qu’elle a publiée sur les réseaux sociaux où elle montre une astuce utilisant un préservatif pour réparer la pointe arrière de son bateau.