Dans le dernier numéro de CKM on vous proposait un waveski road trip entre le Pérou et le Chili. Aujourd’hui on embarque à nouveau avec Pablo Arrouays mais sur un tout autre projet. Quelques lignes pour vous présenter l’animal et son désir de visibilité pour son sport à travers une idée franchement farouche : faire du surf de gros en waveski.
Pablo Arrouays
A 28 ans, Pablo Arrouays est champion du monde -30 ans 2018, encadrant au club de Lacanau et surtout passionné de waveski. D’abord passé par le sauvetage et l’océan racing, le canaulais est une pointure dans sa discipline depuis 10 ans (déjà champion du monde 2011).
https://www.instagram.com/pabloairways/
Mais comme il nous l’explique lui-même, il a fallu trouver d’autres objectifs et axes de progression que le waveski en compétition.
Il n’y a pas eu de compétition depuis 2018. Les mondiaux 2020 ont été décalé. Puis annulé en 2021… Depuis ça je me suis pas mal penché sur le fait de faire de l’image et d’essayer de rendre mon sport visible.
Depuis toujours j’avais en tête de surfer du très gros. Au bout d’un moment je me suis dit Ok, je vais me faire un gun pour pouvoir charger en France et chercher à prendre de la taille. Allez chercher les limites. Et puis je me dis que ce n’est pas à 45 ans que je ferais ça, donc c’est maintenant qu’il faut que je m’y mette.
Pablo chasse donc maintenant les grosses houles à la recherche de sensations pour son rêve.
Entrainement pour le gros
Quand on s’attaque à de l’inédit ou du démesuré, en général on ne fait pas son sac la veille. Pablo Arrouays l’a bien compris en adoptant un entrainement et un conditionnement global. En plus du gilet de sauvetage à percussion (pour remonter à la surface), le rider s’est notamment concocté un waveski de gros. Une board spécifique pour « charger du gros » comme on dit. Mais il s’est aussi attelé à se conditionner physiquement comme tout surfeur de gros.
Tu as beau prévoir et bien connaître le milieu, quand c’est gros il faut se préparer parce que tu finis toujours par manger. Donc il faut s’entrainer à se faire brasser.
Il était impératif pour Pablo, même en tant que waterman aiguisé, de s’entrainer à la sécurité. C’est à dire se préparer au pire pour que ça se passe le mieux possible. Pour ça il faut réviser ses gammes, mais aussi se coordonner avec une équipe d’encadrement pour réduire l’incertitude et le facteur panique au maximum. Être maître de la situation, même lorsqu’elle est chaotique pour le commun des mortels.
Cinq minutes sous les mers
Pour s’attaquer à ce genre de monstre, il faut une affaire bien rodée :
Il faut à minima un ou deux safety jetski , un entrainement à la sécu, un gilet à percussion et surtout une apnée à toute épreuve.
L’apnée est probablement le premier point qui coince pour un novice. Sans parler du niveau de surf ou de waveski, la plupart des gens ne pourraient pas s’élancer sans y perdre la vie. Sous ses plus gros jours, Belharra c’est une masse d’eau de 15m qui s’abat sur vous en cas de chute ou d’un raté. Entrainé par l’eau, le rider es souvent immergé plusieurs minutes.
En terme d’entrainement spécifique, je me prépare notamment en apnée.
Pour faire du surf de gros il faut tenir 4’ en apnée statique pour pas forcément risquer sa vie sur chaque vague. Cet hiver j’ai pris une boite qui m’a fait plutôt peur malgré l’aisance dans l’eau et mes années de pratique. J’aimerais être autour des 5’ en statique pour pouvoir charger sans cette limite-là. Mais il y en a d’autres.
L’important c’est pas la chute, c’est l’amerrissage
Il faut comprendre qu’entre le surf de gros et le waveski de gros il y a quelques différences. D’un point de vue pratique, sur les pieds et assis c’est différent. Et lorsque, ou si, ça se passe mal, il y a des différences en terme de conséquences.
Quand tu es assis tu n’as pas tes jambes pour amortir. Ce qui veut dire que chaque rebond de vague peut t’expulser en l’air et se résumer par une grosse boîte en étant toujours solidaire de ta board.
Et rapidement chaque choc peut être ultra violent. La tétraplégie, c’est pas une fantaisie. Ca peut arriver assez vite sur une mauvaise chute. Que ce soit avec le choc sur un mauvais rebond ou en se faisant brasser avec la masse d’eau qui retombe sur toi.
Fort comme un bœuf, souple comme un roseau
Ce qui me manque d’un point de vue physique c’est un peu de souplesse, et probablement de me mettre un peu au yoga et faire des exercices de respirations par exemple, pour encore gagner en capacité d’apnée. Et en parallèle me renforcer musculairement pour dans l’ensemble être plus resistant.
Une envie globale, un rêve précis
Je pense que pour le moment le plus gros que j’ai pris, même si c’est toujours difficile à évaluer entre le gars qui débute qui te dit qu’il y a 10m et celui qui est né à Hawaii qui en évalue 3, je dirais qu’on était sur une session à 7m et 8m.
Derrière ce projet un peu fou et l’idée globale de faire du gros, il y a un projet bien précis. Et tout ce qui vient en amont, est une préparation, un conditionnement pour acceder à un Nirvana. Cette extase est bien nommée.
L’idée c’est de surfer Belharra en waveski.
Mythologie basque
Belharra c’est accessoirement le seul spot de gros en France… En fonction de certaines conditions climatiques exceptionnelles, une houle vient frapper un éperon rocheux sous-marin : le Belharra Perdun. L’onde se forme au large de la Corniche Basque et peut atteindre 15m sous ses plus beaux jours.
Le temps d’une marée, des « surfeurs de gros » uniquement professionnels du monde entier viennent pour affronter la vague géante Belharra en tow-in (tracté par un scooter des mers) ou depuis peu à la rame.
L’hypnose des badauds et admirateurs se fait depuis les hautes falaises de la Corniche Basque entre Hendaye et Sokoa. Belharra vit entre les mois d’octobre et mars, mais il est parfois rare de la voir…
Belharra cet hiver ? Ca a marché une fois.
Et Pablo Arrouays y était, mais il n’a pas pu se faire tracter. Il faut comprendre que quiconque cherche à intégrer la tribu des chasseurs de gros, pénètre un microcosme fermé. Malgré ses titres et vadrouilles autour du globe, il peut pour l’instant s’asseoir sur le tow in. La seule solution pour Pablo, c’est de faire ses preuves. Voilà pourquoi il ne rate plus une session de gros au Pays Basque.
En spot d’entrainement j’aime beaucoup Parlementia, à Guetary. Dès qu’il y a du gros j’y suis. Cette année j’étais sur les plus grosses sessions de l’année. Donc maintenant, a priori, on m’identifie comme un gars qui peut envoyer du gros sur l’eau. Ca se passe de mieux en mieux parce qu’en général, quand un gars est à l’eau quand il y a 5 mètres, bon et bien il y a des chances qu’il sache se débrouiller un peu.
L’expérience du milieu, la préparation logistique et sécuritaire, ainsi que l’entrainement spécifique. Pablo Arrouays ne laisse rien au hasard.
Le rider n’a pas peur de rêver grand. Peut-être même que Belharra se dresse derrière lui dans ses sommes les plus fantastiques, en attendant de devenir sa réalité.
Affaire et surtout houle à suivre…