A 34 ans, Philippe Colin a annoncé en ce début d’année, dans sa carte de voeux, qu’il mettait un terme à sa carrière sportive. Champion du monde à deux reprises, en K2 1000m en 2007 et en K4 1000m en 2010, le kayakiste de Strasbourg s’est forgé l’un des plus beaux palmarès de la course en ligne tricolore.
Philippe Colin, pourquoi annoncer votre fin de carrière maintenant alors qu’on ne vous a plus vu en compétition depuis 2012 ?
Philippe Colin : « En 2013 je pensais reprendre mais mes problèmes d’épaule mon contraint à renoncer aux sélections. Les Jeux de Rio sont trop loin et une saison de plus pour chercher un titre mondial ça n’aurait pas changer ma vie ! Il était temps d’annoncer que j’arrêtais. J’ai profité de ma carte de voeux pour le faire et je voulais l’adresser à tout mes anciens coéquipiers avec qui j’ai décroché des médailles nationales et internationales, à mes entraîneurs et tous les gens qui ont compté dans ma carrière.
Double champion du monde, vice-champion du monde, médaillé européen, sans compter les titres nationaux, c’est un sacré palmarès. Qu’est ce que vous voulez retenir de votre carrière ?
P.C : « C’est très bien d’être champion du monde, mais je préfère retenir les rencontres et la philosophie de vie que j’ai développé au fil des saisons. J’ai appris à me fixer des objectifs et à tout faire pour les atteindre, cela me servira au plan professionnel aussi. Je me suis construit autour de mon sport, j’ai rencontré beaucoup de sportifs de tous horizons et je me suis enrichi à leur contact.
Malgré ce palmarès, les Jeux olympiques semblent vous laissez un goût d’inachevé après votre 6ème place à Pékin (K2 1000m avec Cyrille Carré) ?
P.C : « Oui mon sentiment vis à vis des Jeux ne passera pas, mon aventure olympique reste inachevée et lorsqu’on est kayakiste on sait que la reconnaissance vient de l’olympisme. Pourtant je pense avoir réussi à m’ouvrir pas mal de portes grâce à mes titres mondiaux et une partie des belles rencontres que j’ai faites viennent de ces titres.
Mais ce qui me désole surtout c’est de voir que les enseignements de notre échec avec Cyrille Carré à Pékin n’ont pas été tirés, car les déconvenues tricolores des sprinters à Londres résultent des mêmes problèmes je crois.
Votre début de carrière n’a pas été simple, car entre vos deux 5ème place aux mondiaux juniors (Lathi 1997) et votre retour en équipe de France senior vous avez du couper quelques mois pour votre formation de gardien de la paix et ensuite il vous a fallu jongler entre travail et entraînement. C’était un passage difficile qui était nécessaire ?
P.C : « Non ce n’était pas utile. A l’époque il n’y avait pas d’équipe de France moins de 23 ans, uniquement des courses pour les universitaires mais je ne l’étais pas à l’école de police. Si on m’avait gardé en liste de haut-niveau à l’époque cela m’aurait peut-être facilité la tache mais tant pis. Je savais que je voulais revenir et j’ai tout fait pour y arriver. Travailler m’a desservi et avec plus de facilité je n’aurai peut-être pas attendu d’avoir 28 ans pour devenir champion du monde. Mais je ne le saurai jamais…
Vous avez construit votre palmarès sur le 1000m, une distance sur laquelle l’équipe de France est en grande difficulté depuis quelques saisons. Quel est votre regard sur cette situation ?
P.C : « C’est une déchirure car on est passé du statut de champion du monde en 2010 avec le K4 à celui d’une des pires nations en 2011. En 2010, K1 K2 et K4 étaient finalistes et le quatre champion du monde, l’année suivante tout s’est écroulé. En 2013 lorsque je vois les résultats cela me fait mal pour les athlètes, ça doit être dur. Je me garderai de tout commentaires sur la préparation actuelle mais je pense qu’on s’est tiré une balle dans le pied dès 2010 en baissant certains volume en bateau et dans certaines filières en musculation. Essayer d’effacer le travail mis en place par Kersten Neuman était une erreur et redresser la barre était trop compliqué, les autres nations ont continué leur marche en avant, pas nous.
Durant votre carrière on vous a souvent vu très proche des jeunes de vos clubs successifs, à Besançon et à Strasbourg. La notion d’échange semble très importante pour vous, cela peut surprendre lorsqu’on voit le programme des athlètes de haut-niveau. Pourquoi avoir tenu à mettre l’accent sur ces moments de partage ?
P.C : « J’ai construit ma carrière là-dessus car pour moi le kayak n’est pas un sport qu’individuel. Echanger cela permet de progresser et en club cela me permettait aussi de me ressourcer en discutant avec les jeunes sur leur vision de l’activité, leurs motivations. Ils m’ont apporté beaucoup je pense et j’espère que j’ai pu les aider. J’aime bien cette notion de l’aviron qui dit qu’il faut faire un quand on est huit, en équipage il faut essayer d’être une seule entité lorsqu’on navigue pour être plus fort et avoir confiance en ses coéquipiers. C’est aussi pour cela que j’ai passé mes diplômes d’entraîneur, le BE1 et BE2.
Devenir entraîneur pour votre reconversion vous y avez donc pensé ?
P.C : « Oui mais j’ai été quelques peu refroidi par le système en place. Je vais donc attendre que les choses bougent et j’y repenserai peut-être.
Que faites vous désormais ?
P.C : « Je suis toujours gardien de la paix mais je suis détaché à la fédération sportive de la police nationale en charge de la communication et des partenariat. C’était une belle opportunité de rester dans le monde du sport. La police m’a toujours soutenu dans ma carrière d’athlète et je voulais y rester. En plus il y a tout à faire donc c’est un nouveau défi intéressant.
Vous êtes aussi investi dans le monde du sport, expliquez nous ?
P.C : » Je suis membre de la commission des athlètes du CNOSF, j’ai été coopté pour mes valeurs, car les places étaient prises pour les kayakistes. Je voulais m’investir dans la commission pour travailler à améliorer la vie des sportifs de haut-niveau et j’espère qu’on arrivera à faire évoluer les choses. »
Crédit photos : ASL Saint Laurent Blangy / Alain Urban