A la confluence entre l’amour des rivières, de la nature, et l’engagement pour un monde meilleur, rencontre avec Jules Domine. Jules c’est celui dont personne ne parle, mais celui que les tous meilleurs appellent pour partir en expédition. Celui qui voit le kayak comme une alternative économique.
Les Origines
Bateaux en fibre pour faire de la rivière, et pull en laine sans kway ni néoprène. Autant dire que Jules était dans le bourbier des kayakistes dès la naissance. Ses parents pratiquaient dans des conditions bien différentes à celles d’aujourd’hui. Mais déjà ils enregistraient leur descentes au film super 8 qu’ils visionnaient ensuite avec les enfants. Et très vite Jules ressent cette soif de découverte lui aussi.
« J’ai commencé le kayak très jeunes. Tellement jeune que je n’en ai pas souvenir. C’est une photo de moi au bord d’un lac, avec une pagaie a la main, prêt à embarquer qui a immortalisé ce moment. »
L’appel de la rivière
Jules Domine a plus d’un tour dans son sac. Il a fait ses armes de pagayeur d’écumes à Grenoble, au pays des écrins où il découvre le kayak au Grenoble Alpes Canoë Kayak. Très vite il ne suit pas la ligne fédéral, en tout cas pas seulement. Il découvre la slalom et la descente sur les circuits régionaux puis aux Championnats de France en cadet.
Mais dans le même temps, chaque jour il comprend un peu plus ce à quoi il est destiné. C’est à dire continuer de progresser et devenir autonome dans la découverte de sa passion. Ou alors, progresser et poursuivre le parcours d’un compétiteur français. Il a vu ses parents défier les torrents et a bien du mal à retrouver la liberté qu’il a su percevoir très jeune. Pendant ses premières années la seule perspective qu’il a sur le sport ce sont les stages d’entrainements et les compétitions. Et très vite, il trouve cela très limitant.
Pourquoi naviguer entre des cellules de chronomètre, sur de la classe 2 à respecter des règles idiotes et restreindre ses lignes entres des piquets qui se balancent doucement au grès des rafales de vent alors qu’on peut parcourir librement des rivières encore sauvages ?
Le kayak comme instrument de liberté
C’est donc en grande partie grâce à son incommensurable curiosité et à l’aide de ses parents ainsi que celle des “grands” de son club que Jules se rapproche petit à petit des rivières sauvages et des bateaux plastiques. A 13 ans, il part vivre en Alaska avec sa famille, et c’est là que tout s’accélère. Déjà soucieux d’être limité par les formes compétitives de son sport, il prend alors une claque de sens.
J’ai compris l’atout majeur de la pratique du kayak. Celui d’être un moyen de transport à la fois efficace et très divertissant, permettant d’accéder des régions inexplorées ! Imagine avoir l’habitude de monter dans un Van et d’aller passer des portes à Saint Pierre de Boeuf et que tout d’un coup, faire du kayak signifie monter dans un petit avion, aller atterrir sur un lac au millieu d’un glacier et descendre sur des centaines de kilomètre une rivière ? Ce fut une découverte ahurissante qui changea mon destin a jamais !
En rentrant en France il poursuit sa jeune mais puissante passion du kayak, tout en sachant que l’objectif ne sera plus jamais le même. La pratique du slalom et de la descente auront tout de même leur lot d’enrichissement pour lui, surtout d’un point de vue technique. C’est notamment sa navigation et son sens de l’engagement qui feront de lui l’un des meilleurs de sa génération. Il continue les compétitions de slalom jusqu’à l’âge de 16 ans tout en naviguant un maximum les rivières naturelles de France et d’ailleurs.
Etudes en eaux vives
Dans le même temps, timing oblige, Jules intègre un BTS gestion et maitrise de l’eau. Ce qui aura son importance pour la suite. Il acquiert des bases académiques théoriques qui fatalement, auront leur poids dans la balance quand il parcourt le globe au-devant des rivières sauvages.
« Bon on va pas se mentir ce ne sont pas non plus des études de pointe. Mais c’était plutôt intéressant d’apprendre comment la gestion de l’eau est faite pour comprendre beaucoup de choses rapidement sur ses sujets là. »
Le kayak devient année après année une façon atypique de découvrir le monde dans ces recoins les plus inaccessibles. À 18 ans, il termine en solo le Devil’s Canyon de la Susitna. C’est le début d’une histoire d’amour avec les rivières à volume.
« Il y a quelque chose de si réconfortant pour moi d’être entouré de puissantes masses d’eau, comme si, pour équilibrer le chaos qui m’entoure, mon esprit et mon corps se détendaient pour devenir parfaitement calme. »
Le kayak comme religion
En 2014 il remporte la prestigieuse North Fork Championship, considérée comme la course la plus dure au monde en kayak extrême, peu de temps après avoir créé le Samana River Festival chez lui à Medellin. En 2016 il réalise la première descente en solo et en une seule journée du Grand Canyon de la Stikine. Plus de doute possible, Jules fait partie des meilleurs kayakistes d’expéditions du monde. Petit à petit, au grès des voyages, il rencontre une petite tribu composée d’individus tous aussi fous d’exploration que lui. Il intègre une « famille » internationale qui se regroupe pour des expéditions où ouvrir des rivières vierges de pagayage devient monnaie courante.
Il faut dire que les gens sur qui on peut compter pour faire des expéditions très difficiles et très longues, il y en a très peu, et c’est un peu comme un club, une communauté où tout le monde se connait et s’entraide.
Des années d’exploration le conduisent aux 4 coins du monde. Il a enregistré un nombre impressionnant de premières descentes et c’est bien au travers de ses expéditions que le kayak a fini par avoir un impact sur sa vie à un niveau plus personnel.
« Aujourd’hui il y a pas mal de destruction visible. Donc quand tu es kayakiste soit tu choisi d’être aveugle, soit tu essaies de faire quelque chose, c’est impossible de ne pas le remarquer. Moi je me dis que le kayak c’est une alternative économique, une solution qui peut aider»
Activiste des rivières
A force de navigations d’aventures additionnées à des connaissances théoriques sur les sujets liés à la gestion de l’eau, l’engagement de Jules devient logique, nécessaire. Je crois que ça m’a donné envie de m’engager pour mon amour de la rivière et de la nature et de transformer cela en quelque chose d’utile. Le kayak peut-être une alternative économique » Ce BTS qui paraissait si loin et difficilement compatible avec les rêves de Jules a fini par revenir au galop, comme une évidence. Son mode de vie et ses connaissances en hydro-énergie seront désormais son terrain et ses armes d’activisme pour la protection des espaces naturels et des rivières.
« J’ai pris conscience de la courte durée de vie de toutes les rivières. Il n’y a pas besoin d’être prix Nobel ou un éminent spécialiste pour comprendre ce qu’il se passe. Quand tu es kayakiste, tu navigues dans ce milieu. Comprendre qu’on a pas tous la même perspective c’est une évidence quand tu vois les dommages. La menace du développement, que vous choisissiez de l’admettre ou non, est bien réelle. J’’ai vu trop d’endroits vierges se transformer en champs de bataille à cause de l’hydroélectricité, de l’exploitation minière et autres. Je consacre désormais une grande partie de mon temps à la conservation des territoires et à la création de projet kayak et d’éco tourisme comme alternative économique »
Destination Colombie
En 2012, il décide de s’installer en Colombie, à Medellin….
21 % de l’article Jules Domine : Le kayak, alternative économique ? / Suite dans le N°261 en kiosque fin novembre.