Communiqué
Si vous pratiquez le canoë-kayak en eaux-vives, vous avez forcément déjà entendu parler d’Hydrostadium. Lannion, Cesson-Sévigné, aménagement de Bourg Saint Maurice, etc. Des ouvrages souvent plébiscités par les collectivités ou par un bon nombre de pratiquants qui les accueillent, mais parfois aussi critiqués par les amoureux des « vraies » rivières ou puristes de l’activité. Rencontre avec un « aménageur » qui a conscience des enjeux de demain.
Une formidable opportunité
A l’origine, le stade d’eaux-vives est une formidable opportunité pour permettre aux pratiquants de canoë-kayak et disciplines associées de se former et d’évoluer en milieu sécurisé. Ce concept a donné naissance à un véritable marché dans ce domaine, à l’attention des collectivités locales. Hydrostadium en est aujourd’hui un des principaux acteurs. Si vous êtes slalomeur ou issu d’un club à proximité d’un bassin artificiel, alors vous avez sûrement dû majoritairement pagayer sur un stade d’eaux-vives.
Dès 1991 on innove et construit des bassins modulaires pour offrir aux pratiquants différents niveaux de pratique sur un même lieu, dans un cadre citadin. Il y avait une volonté de pouvoir démocratiser les sports de pagaie en les rendant accessibles au plus grand nombre.
Concept plébiscité mais aussi décrié
Mais si le concept est plébiscité par de nombreuses collectivités, il est par ailleurs parfois décrié par certains « puristes » de l’eau-vive… parfois à juste titre. Il faut dire que les « stades » peuvent souffrir d’une image quelque peu écornée :
- Parce qu’on pense essentiellement aux fiascos de bassins olympiques, aux coûts de fonctionnement faramineux, laissés à l’abandon. C’est une réalité, et aujourd’hui personne ne veut d’un nouveau Athènes ou Rio.
- Parce que la crise climatique est maintenant perceptible et la prise de conscience sociétale milite vers une décarbonation des pratiques.
- Enfin probablement aussi parce que certains clubs ou pratiquants ont fini par « oublier » les racines de l’activité, et qu’il arrive hélas que des jeunes soient coupés du contact avec les « vraies » rivières.
Alors forcément, pour certains pratiquants,l’aménagement pour partie de nos rivières n’est pas une bonne chose d’un point de vue de l’environnement et des habitants du cours d’eau et de son lit. Mais comme bien souvent dans la vie, la réalité n’est passi manichéenne que cela.
Les stades d’eaux-vives, évolution ou aberration ?
On a cherché à comprendre comment ce qui était au départ un énorme levier de développement pour les sports de pagaie se retrouve critiqué par certains pratiquants soucieux de l’ADN de leur sport. Les stades d’eaux vives sont-ils perçus comme un progrès ou trop décalés de nos jours ? Canoë-Kayak Magazine vous propose un oeil sur un échange avec ceux qui essaient de faire des stades d’eaux vives qui ont du sens. Ici on parle de l’avenir, et du bassin du futur. Si le débat est uniquement bi partite dans votre tête, le bien contre le mal, mère nature contre le béton, alors les prochaines lignes vont peut-être vous surprendre. Rencontre avec Nicolas Baillon, responsable de l’activité eau-vive chez Hydrostadium.
L’activité eau-vive chez Hydrostadium
Hydrostadium est née d’une équipe d’ingénieurs et techniciens EDF passionnés, qui travaillaient déjà sur les Stades d’Eaux-vives. Lannion, Cesson Sévigné, BSM, Saut de Sabot… Mais c’est en 1998 que le courant s’accélère. Le projet de Penrith, le bassin olympique de Sydney est un très gros succès. Et c’est ce qui pousse EDF Hydro à créer une filiale en 2001, Hydrostadium, pour concevoir des Stades d’Eaux-vives et commercialiser des équipements liés Omniflots®
Depuis 2001, 30 SEV (stade d’eaux-vives : canal eaux-vives dédié en dérivation, en pompage ou mixte) ou PEV (aménagement de rivière existante) ont été réalisés dans le monde, dont une quinzaine en France. 12 réalisations en France par EDF (avant la création d’Hydrostadium). Actuellement Hydrostadium a une dizaine de projets en cours dans le monde. Dont 2 de construction en France : Épinal (livré depuis !) et Cesson Sévigné.
De Lannion 1991 à Epinal 2022
En 1991, Lannion c’est la mise en pratique des premières idées innovantes de stade d’eaux- vives « modulaire ». A ce moment-là, l’engouement principal pour les bassins artificiels c’est de créer des parcours courts (donc moins chers) et de varier les difficultés et l’attrait de ces derniers. Ces parcours sont toujours alimentés par un système de pompes. Le bassin de Lannion utilise les marées pour remplir un bassin amont.
Progressivement, la pratique et la demande sont allés vers des Stades d’Eaux Vives de plus en plus artificiels, de plus en plus contrôlables, avec les Jeux Olympiques en chef de file tirant la demande vers des rivières calibrées de grande dimension, en 100% pompage pour une maitrise absolue des conditions de course. Pensés en priorité pour et par le haut niveau avec des niveaux de navigation élevés (le seul parcours « naturel » pour des JO était Occoe River en 96), les bassins olympiques deviennent progressivement des machines à rendement le temps d’un événement et sans réflexion sur les usages futurs. Le paroxysme a été atteint avec le bassin de Pékin 2008 avec près d’1 km de parcours artificiels ! Puis progressivement, la taille des installations s’est réduite.
Parallèlement, Hydrostadium a développé des compétences en ingénierie hydroélectrique, et en franchissement piscicole, ce qui a aujourd’hui son importance. Ces nouvelles compétences ont permis d’insuffler une nouvelle dynamique. Les premiers Stades d’Eaux Vives à vocation mixte apparaissent. (SEV de Tours, mixte piscicole et eau vive). Quels sont les symboles de ce changement ?
En premier lieu, la taille des aménagements est fortement réduite. D’autre part, l’intégration au territoire fait aujourd’hui l’objet d’une analyse poussée et d’une concertation permanente avec les acteurs de ces territoires pour co-construire des projets répondant à leurs attentes. Autrement dit le bassin doit s’intégrer à son environnement. : Tournon St Martin, Châteauneuf/Cher notamment. Hydrostadium est résolument tourné vers le multi usage, l’intégration écologique et territoriale, pour à la fois minimiser l’impact de la construction et assurer la pérennité à long terme de l’exploitation de l’aménagement.
Les symboles d’un changement
Le nouveau stade d’eau vive d’Épinal (qui a été livré au début du mois de mai) est un exemple typique et contemporain de bassin du futur. Alimenté par un dispositif de pompage avec vis d’Archimède préservant la vie piscicole et optimisant la consommation énergétique, il englobe en plus de la pratique des sports d’eau vive, l’intégration d’un plateau d’entraînement pour les pompiers ainsi qu’une vague à surf.
Les facteurs clés de la réussite d’un stade d’eaux-vives
Au cours de notre rencontre nous avons demandé à Nicolas Baillon, responsable de l’activité eau-vive chez Hydrostadium, quels seraient les facteurs clés de la réussite de l’implantation d’un stade d’eaux-vives ?
« Il faut bien avoir à l’esprit la règle empirique suivante. Un équipement d’eaux-vives est généralement financé grâce au sport, notamment de Haut Niveau, qui va impulser et porter les projets. Mais sa pérennité sur le long terme est assurée par les recettes apportées par le tourisme, le loisir, et l’éducatif. » nous répond-il.
Nicolas Baillon, Hydrostadium
La première considération est donc une bonne analyse de la dynamique du territoire. En l’occurrence, dans un souci de développement et d’utilisation pérenne de l’infrastructure, un autre élément essentiel est la proximité immédiate des grands centres urbains et des clubs locaux, pour une bonne dynamique touristique. Deux autres points majeurs sont à prendre en compte très en amont : l’acceptabilité de la construction par les riverains (riverains immédiats, politiques locaux, contribuables…), et le dossier environnemental, rajoute Nicolas. Aujourd’hui tout projet d’aménagement nécessite une importante phase de concertation en amont pour expliquer, et adapter le projet. »
Un bon bassin est donc avant tout un équipement bien conçu pour les usages principaux au cours de sa vie (initiation, éducation, loisir) à la suite d’une impulsion d’usage différente au moment de sa création… Pas simple. De plus la question écologique est devenue incontournable. Eco conception (réduction des quantités de béton très émissif en Gaz à Effet de Serre, emprise réduite au minimum…), consommation énergétique soutenable…Autant de
contraintes qui encadrent le futur du bassin artificiel.
7 questions à Hydrostadium
CKM : Dans les stades d’eaux-vives, il y a des exemples vertueux et d’autres qui ont été moins fructueux. Comment envisagez-vous le bassin du futur ?
Nicolas Baillon : « Soyons clair : Athènes, c’est un modèle à ne plus reproduire…. »
Pour lire l’interview et la conclusion sur l’aménagement et les enjeux de l’eau vive, rendez-vous dans le n° 262 de Canoë-Kayak Magazine !